La détection de Xenon-135 a fait croire à une réaction en chaîne dans le réacteur N°2 de Fukushima
Dai-ichi. C'est du moins ce qu'annonçait l'opérateur TEPCo jeudi,
déclenchant une série d'annonces plus ou moins fantaisistes sur un
accident de criticité - une réaction en chaîne incontrôlée.
Puis une analyse plus précise des quantités mesurées a permis d'identifier l'origine de ce Xénon. Il aurait pu provenir de la fission d'uranium,
ce qui se produit en situation normale d'exploitation d'un réacteur
nucléaire dans le cadre de la réaction en chaîne contrôlée. C'est
d'ailleurs l'un des gaz émis en très grandes quantités lors de
l'accident, en mars dernier. Comme les ingénieurs ont suspecté une telle
réaction, ils ont injecté de l'eau chargée en bore dans le réacteur, le
bore absorbant les neutrons, il est utilisé pour stopper une réaction
en chaîne (voir le schéma ci-dessous).
Toutefois, il ne s'agissait pas de cela, annonce désormais la TEPCo. Le xénon mesuré provenait de la désintégration radioactive
spontanée d'atomes de curium-242 et 244, des produits des réactions
nucléaires qui se retrouvent dans les combustibles usés. Ces
désintégrations spontanées surviennent statistiquement sans
avoir besoin d'une réaction en chaîne mais produisent beaucoup moins de
xénon qu'une reprise de réaction en chaîne dans les conditions actuelle
du coeur détruit. C'est la mesure des quantités de xénon, très petites, qui a permis d'éliminer l'hypothèse de la réaction en chaîne expliquée sur le schéma ci-contre.
Le dernier bilan de la surveillance médicale par anthropogammamétrie des ingénieurs, techniciens et ouvriers qui interviennent sur la centrale nucléaire dévastée montre que depuis l'accident 14.800 travailleurs
se sont rendus au moins une fois sur le site (le bilan de septembre ne
comptait que 10.700 travailleurs surveillés). Ce chiffre montre
l'ampleur du chantier en cours qui se poursuit en particulier pour le traitement des eaux contaminées et la diminution des températures enregistrées sur les cuves (RPV) des réacteurs, inférieures désormais à 78°C au bas (lire ici une note qui présente les enjeux de ce chantier).
Parmi ces 14.800 travailleurs, 99 ont
reçu une dose de radioactivité supérieure à 100 millisieverts dont 77
entre 100 et 150 mSv, 14 entre 150-200mSv, 2 entre 200-250mSv, et six
à plus de 250mSv entre 309 et 678mSv. La limite autorisée par le
gouvernement sur le chantier est de 250 mSv.
Assez curieusement, un sondage publié par la chaîne de télévision NHK affirme
que 24% des Japonais interrogés veulent un arrêt définitif de toutes
les centrales nucléaires du pays, 42% exigeant seulement une réduction
de leur nombre. C'est un résultat assez surprenant.
► Par ailleurs, l'IRSN a publié une analyse révisant la quantité de matériaux radioactifs déversés dans l'océan. En voici le résumé que l'Institut publie sur son site (le document complet est ici) :
«Une forte contamination
radioactive du milieu marin s’est produite après l’accident survenu
dans la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi le 11 mars 2011. Elle
a eu pour principale origine le déversement direct d’eaux contaminées
depuis la centrale, qui a duré environ jusqu’au 8 avril, et dans une
moindre mesure, les retombées dans l’océan d’une partie des
radionucléides rejetés dans l’atmosphère entre le 12 et le 22 mars.
A proximité immédiate de la centrale, les concentrations dans l’eau de mer ont atteint fin mars et début
avril jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de becquerels par litre
(Bq/L) pour les césiums 134 et 137 et même dépassé 100 000 Bq/L pour
l’iode 131. L’iode 131 a rapidement diminué en raison de sa période
radioactive courte (8 j) et les résultats de mesure sont passés sous la
limite de détection fin mai. Les concentrations en césiums 137 et 134
ont commencé à décroitre dans cette zone à partir du 11 avril et,
depuis mi-juillet, sont passées en dessous des limites de détection (5
Bq/L) des techniques de mesure utilisées pour la surveillance.
En interprétant les résultats
de mesure de césium 137 dans l’eau de mer, l’IRSN a actualisé son
estimation de la quantité totale de césium 137 rejeté directement en
mer du 21 mars jusqu’à mi-juillet. La valeur ainsi obtenue est de 27.10 puissance 15
Bq, la majorité (82 %) ayant été rejetée avant le 8 avril. Ce rejet
radioactif en mer représente le plus important apport ponctuel de
radionucléides artificiels pour le milieu marin jamais observé. (le
graphique ci-dessus est tiré du rapport complet).
Toutefois, la localisation du site de
Fukushima a permis une dispersion des radionucléides exceptionnelle,
avec un des courants les plus importants du globe qui a éloigné les
eaux contaminées vers le large dans l'océan Pacifique. Ainsi, les
résultats de mesure obtenus dans l'eau de mer et les sédiments côtiers
laissent supposer que les conséquences de l'accident, en termes de
radioprotection, deviendraient faibles pour les espèces pélagiques à
partir de l'automne 2011 (concentrations faibles dans l'eau de mer et stockage sédimentaire limité).
Cependant, une pollution
significative de l’eau de mer sur le littoral proche de la centrale
accidentée pourrait persister dans le temps, à cause des
apports continus de substances radioactives transportées vers la mer
par le ruissellement des eaux de surface sur des sols contaminés. De
plus, certaines zones du littoral, non encore identifiées, pourraient
montrer des conditions de dilution ou de sédimentation moins favorables
que celles observées jusqu’à présent. Enfin, la présence éventuelle
d’autres radionucléides persistants, comme le strontium 90 ou le
plutonium, n’a pas été suffisamment caractérisée par des mesures.
Les résultats de mesure récents montrent la persistance d’une contamination des espèces marines
(poissons principalement) pêchées sur les côtes de la préfecture de
Fukushima. Les organismes benthiques et filtreurs ainsi que les poissons
au sommet de la chaine alimentaire sont, dans la durée, les plus
sensibles à la pollution au césium. Il est donc justifié de poursuivre une surveillance des espèces marines prélevées dans les eaux côtières de Fukushima.
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