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vendredi 1 juillet 2011

Les "indignés" espagnol empêchent les saisies immobilières


Les expulsions de logement et les saisies se multiplient. Pour y faire face, les jeunes militants ont décidé d'entrer en résistance et de camper le temps de la saisie devant les immeubles, empêchant ainsi toute exécution de la procédure.

Source : El Pais

Luis Domínguez Quintana, 74 ans, arbore sur la poitrine un cœur traversé d'une flèche où est indiquée la lettre de son groupe sanguin. Le premier symbolise son amour pour une ex-fiancée, la deuxième démontre que Luis est un homme pragmatique. En cas d'accident, les médecins sauront immédiatement quel type de sang utiliser. Assis dans son canapé chez lui, à Parla [banlieue de Madrid], il ouvre sa veste pour montrer ce dessin tatoué à l'encre. "Et là, dans mon cœur, j'ai aussi maintenant les 100 personnes qui m'ont permis de rester chez moi." Cette centaine de personnes qui, le 16 juin au matin, ont réussi à empêcher son expulsion en manifestant bruyamment.

Luis Domínguez, invalide à 65 %, n'arrive plus à rembourser son crédit immobilier depuis deux ans. Il devait être expulsé de son logement à la première heure. Mais au cri de "Luis, ami, le peuple est avec toi", les manifestants, réunis au sein du collectif Frappés par le crédit immobilier à Madrid [Afectados por la hipoteca de Madrid], ont empêché la greffière et le représentant de la banque d'accéder au bâtiment.

L'avocat du collectif a présenté aux autorités judiciaires des rapports médicaux qui ont permis de suspendre la saisie. "Un délai est demandé en raison de l'état de santé dans lequel se trouve le client", précise le dossier.

Luis Domínguez n'est pas un cas isolé. La crise a multiplié le nombre d'expulsions en Espagne*. Mais désormais, les saisies sont combattues par des mouvements de citoyens comme celui-ci, qui lutte contre la législation sur les crédits. Les manifestants, réunis par Democracia real ya !, à l'origine du mouvement de la Puerta del Sol, exigent que la cession du logement permette de liquider intégralement l'ardoise avec la banque.

Après le départ des personnes envoyées pour l'expulser, Domínguez, qui vit seul dans cet appartement de 130 mètres carrés, a entendu sonner son interphone : "Mets-toi à la fenêtre !" Passant la tête dehors, il a vu une foule qui fêtait sa victoire à l'entrée de l'immeuble. "Esto es esperanza, y no la presidenta", chantaient-ils en chœur. ["Ça, c'est de l'espoir, et pas la présidente", jeu de mot entre esperanza ("espoir") et Esperanza Aguirre, la présidente de la communauté de Madrid.]

Quelques heures plus tard, Luis Domínguez nous ouvre les portes de cet appartement où il peut espérer vivre au moins encore quelques mois. Appuyé sur des béquilles, il sert un cocktail de son invention, à base d'eau et de citron. C'est un spécialiste de la nutrition, et il suit un régime strict qui, visiblement, le rajeunit. Il ne prend qu'un repas par jour et se nourrit de légumes secs, de fruits, de fromage et de yaourts.

La banque lui réclame 150 000 euros, en plus de la cession de son logement. Ses problèmes ont commencé il y a trois ans, raconte-t-il, après un accident de la circulation qui l'a laissé gravement blessé aux jambes. Parallèlement, deux factures au nom de son entreprise de bâtiment, pour un total de 60 000 euros, lui sont restées impayées. Il a donc commencé à ne plus rembourser son crédit. Adhérent du Parti socialiste ouvrier espagnol (Psoe), il a cherché de l'aide du côté du monde politique, en vain.

Alors, d'où vient ce nouveau comité de soutien ? Luis Domínguez s'est rendu à Madrid sur la place de la Puerta del Sol le 21 mai, pendant la journée de réflexion. Voir ces milliers d'"indignés" rassemblés l'a ému : "J'ai pris conscience qu'il y avait un vrai sentiment de changement." La veille de l'expulsion, il était de nouveau sur la place centrale madrilène et il a raconté son histoire. Immédiatement, un groupe s'est organisé pour lui venir en aide. "Nous nous sommes réunis pour former une guérilla sans mitraillettes et nous luttons contre le système", assure-t-il, ouvrant de nouveau sa veste pour montrer son tatouage.

* Le nombre d'expulsions s'est multiplié par trois durant les trois dernières années en Espagne. Entre janvier et mars 2011, 15 491 expulsions ont eu lieu, soit 36 % de plus qu'au premier trimestre 2010.

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