Que le parquet de New York renonce ou pas à poursuivre Strauss-Kahn, peu importe, le mal est fait. Le Français a déjà perdu son poste au FMI et la possibilité de briguer l’Elysée.
Source : Courrier International
La nouvelle vient de tomber : le dossier monté par le ministère public contre Dominique Strauss-Kahn, accusé de tentative de viol, est en train de s’effondrer. Des sources assurent que la plaignante, qui travaillait à l’hôtel Sofitel de New York, aurait été impliquée dans des activités de blanchiment d’argent et qu’elle aurait entretenu des contacts fréquents avec un trafiquant de drogue incarcéré. La caution et les conditions d’assignation à résidence de Strauss-Kahn devraient faire l’objet d’un assouplissement dès aujourd’hui [1er juillet] – d’autres laissant entendre que le chef d’inculpation pourrait même être levé.
Mais, cette semaine, Christine Lagarde a été nommée au poste qu’occupait Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international (FMI), tandis qu’en France Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste, a annoncé sa candidature à la présidentielle. Strauss-Kahn, qui est peut-être innocent, dont même Sarkozy a dit qu’il devait être présumé innocent tant que l’enquête n’aurait pas prouvé le contraire, ne peut désormais plus revenir au FMI, ni espérer briguer la présidence française.
Bien souvent, j’ai entendu les gens qui parlaient du pouvoir grandissant des réseaux sociaux, des blogs, mais aussi du microjournalisme et des espaces de microcommentaires, exprimer leur crainte qu’ils ne deviennent une chambre de résonance pour les rumeurs et les scandales, qu’ils ne soient à l’origine d’un raz de marée de fausses vérités et d’attaques personnelles susceptibles d’abattre des personnalités en vue. J’ai tendance à répondre, peut-être à tort, qu’Internet est une arène beaucoup plus honnête et intransigeante que la presse écrite, que les approximations, erreurs et désinformations seraient immédiatement repérées et rectifiées par le public planétaire. Personnellement il m’est déjà arrivé de me tromper, et j’ai reçu des courriels ou ai lu des commentaires qui m’ont aidé à présenter mes informations avec davantage d’exactitude. Mais ce n’est pas toujours le cas, surtout chez les groupes, toujours plus nombreux, de gens du même avis qui se soucient moins d’étudier les faits que de se retrouver dans la vision (ou l’angle) qu’ils ont de certains sujets.
Toutefois, dans le monde ultrarapide qui est le nôtre, une réputation peut être détruite en quelques instants – et si, comme cela semble être le cas de Strauss-Kahn, les accusations ont des conséquences matérielles avant même d’avoir été soumises à analyse, alors cela veut dire qu’en tant que société nous ne respectons plus la présomption d’innocence qui est au cœur de notre forme de démocratie et de notre système judiciaire.
Face à la prolifération des commentaires sur le donjuanisme présumé de Dominique Strauss-Kahn et le flot de critiques dont il a fait l’objet lors de son arrestation, je me rends compte qu’il s’agit peut-être d’une personnalité trouble et tragique. Mais que la cible soit une personne au-dessus de tout soupçon ou une personnalité controversée, piétiner une réputation reste problématique. Or la leçon que tireront de toute cette affaire les gens sur Internet, futurs commentateurs ou auteurs, c’est que salir une réputation peut s’avérer très rentable, que les attaques soient fondées, seulement crédibles ou même fausses, et qu’en cas de revirement de situation la crédibilité des accusateurs ou des colporteurs de rumeurs n’a guère à en pâtir.
Difficile de résoudre ce problème. Nous n’avons pas de système qui permettrait à Strauss-Kahn de récupérer son poste, et Aubry ne va probablement pas se retirer de la course à la présidence ni céder sa place à Strauss-Kahn pour un duel au sommet avec Sarkozy. Ne vous méprenez pas. J’ignore toujours s’il s’est comporté de manière inconvenante avec une femme de chambre – mais une chose est sûre : malgré la présomption d’innocence, il a déjà payé le prix fort, et c’est une chose dont nous devrions nous inquiéter.
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