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mercredi 27 juillet 2011

Dossier : Les états privatisent la guerre, la police, la secuté...

Historiquement liées aux pratiques de la guerre et plus encore aux condottieri de la Renaissance, les entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) ont aujourd'hui succédé aux "mercenaires" artisanaux, et leur poids économique est devenu considérable.

Si l'on se réfère au Document de Montreux, les EMSP sont des "entités commerciales privées qui fournissent des services militaires et/ou de sécurité. Les services militaires et/ou de sécurité comprennent en particulier la garde armée et la protection de personnes et d'objets tels que les convois, les bâtiments et autres lieux ; la maintenance et l'exploitation de systèmes d'armements ; la détention de prisonnier ; et le conseil ou la formation des forces locales et du personnel de sécurité local". Cette définition paraît toutefois incomplète car elle ne couvre pas toutes les activités que peuvent réellement proposer ces sociétés.

Ainsi, elle ne prend pas en compte les opérations de combat dans lesquelles sont engagées les EMSP, comme en Irak ou en Afghanistan.

Si leur activité en France est, pour l'instant, étroitement régulée, il s'agit d'un secteur en pleine expansion au Royaume-Uni, évoluant dans le cadre des modifications structurelles du marché de la sécurité de l'après-11 Septembre. Cette industrie s'organise, en Europe comme aux Etats-Unis, pour offrir un visage plus présentable, celui d'un mercenariat éthique, responsable, obéissant bien sûr aux lois du marché, mais conscient d'intervenir sur des zones sensibles. Pour preuve de cette quête de respectabilité, cette industrie de guerre s'est auto-proclamée "industrie de la paix et de la stabilité". Elle a désormais ses publications, ses instituts de recherche et affirme que la plupart des entreprises militaires et de sécurité privées respectent les codes de conduite éthique, que ce soient celui du groupe de lobbying américain - l'International Peace Operations Association (IPOA)-, britannique - la British Association of Private Security Companies (BAPSC) -, ou encore celui édicté récemment suite au Document de Montreux – l'International Code of Conduct for Private Security Service Providers.

Voici le document
CODE DE CONDUITE INTERNATIONAL DES ENTREPRISES DE SÉCURITÉ PRIVÉES

En Afrique, elles sont souvent liées à l'industrie extractive pétrolière, ainsi qu'aux multinationales opérant dans des pays en conflit ou instables, mais possédant des ressources naturelles en minerais précieux. Elles peuvent même être impliquées dans des guerres pour ces ressources ou dans du trafic, comme ce fut par exemple le cas de la société sud-africaine Executive Outcome.
Les conflits irakien et afghan ont favorisé leur essor rapide, les rendant indispensables aux opérations militaires d'envergure de certains Etats.

En remettant en cause le principe wébérien du "monopole de la violence légitime" étatique, elles ont pu également modifier la nature des conflits, en favorisant la transition de guerres idéologiques vers des guerres de prédation économique, créant parfois même des "coalitions dans la coalition". Leur présence dominante aujourd'hui en Afghanistan impose désormais de s'interroger sur les conséquences et les dérives de leur utilisation dans le contexte des conflits armés, comme sur leur impact en termes de pérennité du pouvoir régalien des Etats. En paraphrasant le titre du dernier film du réalisateur Ken Loach, "Route Irish", qui traite des mercenaires partis travailler en Irak, nous allons tenter de parcourir ce que l'on peut aujourd'hui appeler l'"Afghan Road"

Mercenaires: le groupe de travail de l'Onu infléchit son approche


Les cinq experts et les membres du groupe de travail onusien sur le mercenariat sont réunis à New-York pour trois jours. Au programme: le point sur le dossier de la régulation des entreprises de services militaires et sécuritaires (ESOA et SPER), et peut-être une inflexion de leur approche jugée trop dogmatique sur ces entreprises. A titre d'information, on consultera ici leur dernier rapport qui date de 2010.

Working Group Report 2010

- L'an dernier, le "working group" avait diffusé son ébauche de "Convention on Private Military and security Companies", un texte boudé par les Américains et quelques pays européens. Le 1er octobre 2010, lors de la réunion de l' "Open-ended intergovernmental working group to consider the possibility of elaborating an international regulatory framework on the regulation, monitoring and oversight of the activities of private military and security companies", la Belgique, la France, le Japon, le Royaume-Uni, l'Espagne, la Corée, la Pologne et les USA avaient ainsi voté contre la proposition.
Explication: le texte proposé met les Etats devant leurs responsabilités puisque ces mêmes Etats sont à la fois des hôtes des PMSP (pour reprendre le sigle retenu par l'Onu) et leurs clients. Or, mettre en oeuvre des réglementations nationales et les faire superviser par un organisme ad hoc, induirait des coûts que personne ne tient à assurer. Les Britanniques en particulier sont aux freins. En France, les lobbies sont très forts pour que la question de la régulation soit reportée encore et encore..., et pour que l'on ne parle pas de droit du travail (en revanche, les droits de l'homme, pas de problème: c'est même très tendance chez les chefs d'entreprise du secteur. Tant mieux, finalement...).

CONFÉRENCE DE PRESSE SUR L’AVENIR DES SOCIÉTÉS PRIVÉES DE SÉCURITÉ EN IRAQ

08/07/2011


À la veille du retrait des troupes américaines d’Iraq, une conférence de presse a été donnée aujourd’hui, au Siège de l’ONU à New York, par trois membres du Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.


Le Président du Groupe, M. José Luis Gómez del Prado, était accompagné de Mme Amada Benavides de Pérez et de M. Alexander Nikitin.


M. José Luis Gómez del Prado qui, avec ses collègues, vient de séjourner en Iraq du 12 au 16 juin 2011, a jugé urgent d’y réguler dès maintenant les activités des sociétés privées de sécurité dont le personnel civil ou militaire devrait passer au nombre de 5 500 pour protéger principalement le corps diplomatique et les multinationales.


Le 21 juin dernier, le Président Barack Obama a annoncé le retour d’ici à l’été 2012 du tiers des quelque 99 000 soldats américains actuellement sur place, dont 10 000 dès cette année. Le Président du Groupe de travail a recommandé au Gouvernement iraquien d’adopter rapidement une loi régulant les sociétés privées de sécurité et aux États-Unis de clarifier, par un texte juridique, les responsabilités en Iraq des sociétés recrutées par le Département d’État.


M. Gómez del Prado a rappelé la première réunion, au mois de mai à Genève, du Groupe intergouvernemental sur l’établissement d’un cadre international de régulation, après que son Groupe de travail eût proposé, l’année dernière, un projet de convention juridiquement contraignante au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée générale.


Le Président du Groupe de travail a souligné que jusqu’en 2009, en Iraq, l’Autorité provisoire de la Coalition –États-Unis, Royaume-Uni- accordait l’immunité aux services de sécurité. Aujourd’hui, près de quatre ans après la tuerie qui a fait 17 morts et une vingtaine de blessés au Square Nissour, aucune juridiction américaine n’a encore établi les responsabilités.


Selon un document présenté en février dernier au Congrès américain, sur les 29 sociétés qui travaillent en Iraq et en Afghanistan, seulement 17 ont signé le Code de conduite.


En Afghanistan, a expliqué Alexander Nikitin, un membre du Groupe de travail, les autorités ont établi un cadre ambitieux pour réduire le nombre et les fonctions des sociétés privées de sécurité. L’Iraq, en revanche, a été plus lent d’où la nécessité d’un instrument international juridiquement.


Il faut, a dit, M. Gómez del Prado, en parlant aussi de la présence de mercenaires en Somalie et en Libye, un instrument qui engagerait la responsabilité tant des gouvernements hôtes que des pays d’origine. Il s’agirait de réguler l’obtention des licences, de mettre en place une autorité nationale de contrôle, d’établir des procédures pénales et civiles et d’offrir des indemnisations aux victimes.


La création d’un instrument contraignant est tout à fait faisable, a insisté le Président du Groupe de travail, en prenant l’exemple du Registre des armes en vertu duquel 172 pays fournissent, chaque année, des informations sur leurs ventes et achats d’armes.


Le Registre contrôle la vente d’un tank alors que l’instrument pour les sociétés privées de sécurité contrôlerait les conditions d’emploi de l’opération du tank, a simplifié le Président, en ajoutant que l’instrument créerait une banque de données des sociétés qui travaillent sur le marché international et exigerait un échange d’informations sur les contrats signés. Ces sociétés qui ont le « permis de tuer » devraient être contrôlées aussi strictement que l’est l’industrie de l’armement, a-t-il insisté.


Le Président du Groupe de travail a reconnu que certains pays, en particulier les occidentaux, continuent d’être réticents face à une telle approche, préférant un système d’autorégulation et de Code de conduite volontaire.


Le but, a expliqué M. Nikitin, n’est pas de chasser toutes ces sociétés d’Afghanistan ou d’Iraq mais bien de tracer une ligne entre le permis et l’interdit, dans un monde où les conventions internationales ne sont applicables qu’aux États.


Le Groupe de travail, a renchéri son Président, est favorable à des dispositions limitant le recours des États aux sociétés privées de sécurité et par exemple, pour tout ce qui est lié au renseignement.


Créé en 2005 par le Conseil des droits de l’homme, le Groupe de travail, qui vient de tenir sa treizième session à New York du 5 au 8 juillet, recense et prépare des études sur les questions, manifestations et tendances récentes concernant les mercenaires ou les activités ayant un lien avec les mercenaires et les activités des sociétés privées qui offrent des services militaires et de sécurité.


À ce jour, trois documents principaux existent sur le contrôle des sociétés privées de sécurité. Il s’agit du projet de convention du Groupe de travail; du « Document de Montreux » élaboré par la Suisse, en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR); et le Code de conduite volontaire. Pour les pays occidentaux les deux derniers documents sont amplement suffisants.

En Suisse c'est la police qu'on privatise
Source : La tribune de Genève

La Suisse compte quasi autant de gardes privés que de policiers

Les gardes privés sont deux fois plus nombreux que les effectifs de police, selon un rapport publié mercredi à Genève. Les sociétés de sécurité privées (SSP) emploient près de 20 millions de personnes dans le monde. Les faiblesses de la réglementation posent de nombreux défis.

nquiétude vis-à-vis du boom du marché de la sécurité privée. Celui-ci croît à un rythme de 7 à 8 % chaque année, et pèse entre 100 et 165 milliards de dollars. Dans son rapport annuel sur les armes légères, l’Institut des Hautes études internationales et du développement (IHEID) s’en inquiète.

Sur la base de statistiques portant sur 70 pays, les SSP emploient 19,5 millions de personnes, contre 10,7 millions d’agents de la force publique. Or, «la croissance des SSP a été beaucoup plus rapide que les mécanismes de réglementation et de surveillance», a affirmé le directeur de la recherche Robert Muggah.

13 000 gardes privés en Suisse

Selon les chercheurs, la Suisse comptait, en 2009, 13’075 gardes privés et 16’000 agents de police publics. Les Etats-Unis recensaient deux millions de gardes privés contre 883’000 policiers.

Les sociétés de sécurité privées détiennent entre 1,7 et 3,7 millions d’armes à feu dans le monde. Si l’on inclut les armes non déclarées et détenues illégalement, leur nombre est beaucoup plus élevé. Ce stock d’armes reste toutefois inférieur à celui détenu par les forces publiques de maintien de l’ordre (26 millions) et les forces armées (200 millions).

Défis pour les multinationales

«Les initiatives internationales visant à combler le déficit réglementaire des sociétés de sécurité privées n’en sont qu’à leurs balbutiements», constate l’IHEID. L’étude dénonce en particulier le recours fréquent à des gardes privés par les multinationales et les risques liés à un usage excessif de la force.

Les nombreuses multinationales qui font appel à des gardes privés sont confrontées à de nombreux défis. Leur degré de contrôle de ces agents varie fortement en fonction du contexte, affirme l’IHEID.

Dans les zones de conflit ou d’après-conflit, les multinationales ont des difficultés à recruter des agents de sécurité privée disciplinés, bien formés, sans lien avec les hostilités. La faiblesse de la supervision et de la réglementation de ces agents entraîne des insuffisances en matière de responsabilisation et des conflits d’intérêt potentiels, dénonce le rapport.

Pas de mécanismes de contrôle

Le document de Montreux (VD) adopté en 2008 à l’instigation de la Suisse et du CICR sur les bonnes pratiques des SSP a jusqu’ici le soutien de 35 pays. Un code international de conduite a été adopté à Genève le 9 novembre 2010 et signé par 58 firmes de sécurité privée, mais il manque des mécanismes de contrôle, a expliqué Nicolas Florquin, chercheur à l’IHEID.

Les auteurs de l’étude regrettent «des taux extrêmement faibles de déclaration et d’échange d’information en 2010» dans le cadre du programme d’action de l’ONU sur les armes légères et de petit calibre. Les Etats s’opposent à toute forme d’évaluation indépendante de sa mise en application.

L'instrument international délaissé

Cinq ans après son adoption par l’Assemblée générale de l’ONU, les Etats restent en outre «largement indifférents» à l’Instrument international de traçage (ITI). Depuis sa création en 1999, la Suisse soutient financièrement le programme de l’IHEID avec 12 autres gouvernements. Ce programme est dirigé par le professeur Keith Krause.

La Suisse et Genève, un havre pour les armées privées?

L’implantation, à Bâle, du groupe Aegis, comptant 20 000 mercenaires, relance la polémique en Suisse. - A elle seule, la Cité de Calvin recense trois sociétés étrangères actives dans l’espionnage privé. - Le marché de la sécurité (20 milliards de dollars) se déploie essentiellement en Irak et en Afghanistan.

© AP | A Bagdad, en 2005, des mercernaires privés sécurisent le lieu d’une attaque à la bombe.

Depuis deux semaines, l’implantation du siège social mondial d’Aegis Defense Services à Bâle secoue la Suisse alémanique et les instances fédérales (lire nos éditions du 16 août 2010). Et pour cause. La britannique Aegis est, avec les américaines DynCorp et surtout Xe Services (ex-Blackwater) l’une des plus importantes armées privées au monde, intervenant principalement en Irak et en Afghanistan grâce à ses 20 000 soldats.

Pour une fois unanimes, la gauche et la droite parlementaire réclament du Conseil fédéral une meilleure surveillance de l’implantation de ces groupes multinationaux, qui se partagent un marché estimé aujourd’hui à quelque 20 milliards de dollars. «Lorsque l’une de ces sociétés ayant son siège en Suisse opère en Irak pour le compte des Etats-Unis, cela pose clairement un problème à notre système de neutralité», affirme ainsi Albert Stahel, professeur en sciences politiques à l’Université de Zurich et expert en affaires stratégiques.

Des contrôles inexistants

Dès lors, la problématique de ces entreprises militaires privées (MPC, en anglais) rebondit avec une acuité toute nouvelle en Suisse. D’autant que le Conseil fédéral est incapable de dire combien de sociétés de sécurité sont implantées ou ont ouvert une représentation dans notre pays. En 2005, le gouvernement avait ainsi refusé de contrôler lesdites sociétés, partant de lier leur implantation à une quelconque autorisation, du moment que leurs activités sur notre sol ne sont qu’administratives.

Mieux: «Selon le Centre for Democratic Control of Armed Forces, basé à Genève, affirmait alors le Conseil fédéral, il n’existe en Suisse que très peu de sociétés de sécurité actives sur des territoires en guerre. Elles sont en outre de très petite taille.»

La SonntagsZeitung vient pourtant de révéler que Genève, à elle seule, comptait trois de ces firmes paramilitaires étrangères sur son sol. La plus importante d’entre elles s’appelle Diligence Global Intelligence SA, installée à Genève en février 2009, rue du Conseil-Général. Il s’agit là de la filiale helvétique du groupe américain Diligence LLC, fondée par Nicholas Day et par d’anciens membres du MI5 et de la CIA. Nick Day a même choisi Genève pour y fixer sa résidence principale.

De l’espionnage privé

Diligence Global Intelligence, si elle n’est pas pourvoyeuse de mercenaires, livre de précieux renseignements économiques et géopolitiques. En clair: une sorte de services d’espionnage privés. Sur son site Internet, on découvre ainsi que «Genève représente un pas décisif dans le développement du groupe», après ses implantations à Londres, Washington, New York et Moscou. Mais encore: «Notre société opère sous les radars.» Pour l’heure, pourtant, Diligence n’a pas gagné beaucoup de mandats en Suisse même; dans le monde, par contre, la multinationale britannique et ses spécialistes en espionnage ont déjà traité plus de 1000 «projets», dans 75 pays.

On trouve également au bout du lac une filiale du groupe anglais Salamanca, sise au 8, quai du Rhône, et spécialisée dans la protection rapprochée et également dans le renseignement économique. Enfin, un troisième groupe américain, spécialisé dans la formation de polices privées et d’agents de renseignements, New Century, est indirectement présent au bout du lac Léman: «Notre présence à Genève est purement administrative, nous a affirmé hier l’un de ses responsables à Londres. C’est une représentation fiduciaire.» En clair, il s’avère que certains comptes de New Century sont gérés depuis la Cité de Calvin.


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