Pages

jeudi 28 juillet 2011

Les Etats-Unis n'ont plus les moyens



Dans la bataille politique et proprement suicidaire qui domine Washington D.C. sur la limite d’endettement de l'Etat Federal américain, une autre partie de bras de fer est engagée.

Il semblerait que la sanction de la baisse de la notation AAA des Etats-Unis pourrait intervenir avant même le vote sur le plafond d’endettement. Hier soir, certains commentateurs allaient jusqu'à considérer la chose comme virtuellement acquise.

Que les finances publiques des Etats-Unis ne soient pas dignes d’un pays qui a à la fois cette richesse et cette capacité ne fait aucun doute. Depuis des années, les principaux bailleurs de fonds des Etats-Unis se trouvent être les banques centrales du monde entier et, singulièrement, la Peoples’ Bank of China, qui détient près de 1.000 milliards de dollars de bons du Trésor américain.

Le fait le plus important est que les Etats-Unis n’ont plus les moyens de soutenir le reste du monde. De plus en plus, Barack Obama tient un discours nouveau et parfaitement logique : ne comptez plus sur les Etats Unis pour être les bailleurs de fonds de tous les conflits ou de toutes les situations économiques difficiles. Nous n’en avons plus les moyens.

Cette limite de la puissance financière (et donc politique) des Etats-Unis n’est pas disputée par les partis politiques qui sont d’accord pour une baisse substantielle du déficit budgétaire et reconnaissent que la dette publique est trop élevée. Avec plus de 14.000 milliards de dollars, elle représente environ 100 % du Produit Intérieur Brut des Etats-Unis.

Le débat est à la fois sur les moyens et sur la méthode. Là où les républicains voudraient des coupes sombres immédiates dans les programmes sociaux, les démocrates considèrent qu’il faut également augmenter les taxes pour les revenus les plus élevés et supprimer certaines formes éhontées de subsides auxquels plusieurs industries (dont la très riche et puissante industrie pétrolière) estiment avoir droit (les "entitlements").

Comme toujours, derrière le débat sur les finances publiques, ce sont les priorités politiques, économiques et sociales qui sont en cause.

Quelle serait la justification d’une baisse de la notation des Etats-Unis ?

Les faits sont connus et n’ont pas fondamentalement évolué dans les derniers mois. Au contraire, la Maison Blanche a entamé des négociations âpres avec les partis politiques pour diminuer de plus de 2.500 milliards de dollars la dette fédérale sur dix ans.

La seule justification de la baisse de notation est, une fois de plus, plus proche du politique que de l’économique. Les agences de notation sont devenues un mélange de suivi moutonnier des marchés et de jugements politiques à l’emporte-pièce. Elles auront du mal à apporter des arguments précis sur la détérioration de la capacité d’endettement des Etats-Unis. Mais elles auront incontestablement un impact.

L’effet pervers de leurs interventions diminue d’autant plus leur légitimité que les dernières corrections de la Grèce ressemblent plutôt à un narcissisme effréné qu’à une vraie détérioration de la situation grecque. Les interventions du sommet européen ne résolvent pas les problèmes, mais il est absurde de baisser la note grecque sauf à avoir l’audace de décréter un défaut sélectif de paiement.

L’autre effet pervers vient des medias qui semblent vivre avec délices ce bras de fer et acceptent aveuglement le jugement des agences de notation comme si elles constituaient en elles-mêmes un élément de la sante financière des pays. La paranoïa collective n’est pas loin.

Quelles seraient les conséquences d’une baisse de la notation des Etats-Unis ?

Il est difficile de le prédire.

D’ores et déjà la prime de risque des Etats-Unis a augmenté a travers le marche des CDS, mais même si en pourcentage c’est un doublement de cette prime en un an, il s’agit d’une hausse de 0,25%. D’ores et déjà le marché des Bons du Trésor a intégré cette prime. Elle pourrait s’accroître de 0,25% que cela ne changerait pas la face du monde, et moins encore le coût du financement du gouvernement fédéral de manière catastrophique.

L’impact serait dès lors plus psychologique et politique que financier. Cela mettra de l’huile sur le feu des conflits politiques aux Etats-Unis. La Maison Blanche accusera les républicains qui feront de même pour la Maison Blanche.

Ce qui est en jeu est beaucoup plus subtil et important : ce serait un élément de plus à une tendance lourde de perte de prestige des Etats-Unis. Déjà la suprématie financière de Wall Street, la capacité de ses forces armées enlisées dans des conflits sempiternels et la moralité des ses interventions (torture…) ont diminué l’estime que le monde porte aux Etats-Unis. Une perte de notation AAA s’ajouterait à ce déclin relatif et lent.

Par contre, les bons du Trésor n’étant pas massivement dans les portefeuilles des banques, celles-ci ne devraient pas être vulnérabilisées par ce changement de notation. Cela les différencie des banques européennes.

Ne nous réjouissons pas du malheur des Etats-Unis

J’entends déjà les roucoulements des politiciens européens et des media allumant l’opinion publique. C’est de bonne guerre.

Mais l'ensemble des économies mondiales s'en ressentira.

Cette baisse de notation ouvre le débat sur la France (que le FMI met en garde) et la Grande Bretagne. Leur note AAA est menacée. Ils ne devraient pas tarder à suivre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire