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vendredi 15 juillet 2011

Les banques européennes vont-elles craquer ?


Source : Le Monde

Vendredi 15 juillet en fin de journée, après la fermeture des marchés financiers, l'Autorité bancaire européenne (EBA) publiera les résultats des tests de résistance auxquels les banques européennes ont été soumises ces derniers mois. Une publication très attendue, à l'issue d'une semaine de surchauffe sur les marchés financiers. Les craintes d'un défaut de la Grèce sur le remboursement de sa dette se sont ajoutées à de nouvelles dégradations des notes de l'Irlande et de la Grèce et aux inquiétudes sur la solidité de l'Espagne et de l'Italie. La capacité des banques européennes à traverser des situations économiques de crise sera donc analysée à la loupe.

  • En quoi consistent les stress-tests ?

Il s'agit de tests de résistance à des scénarios de stress économique. Ces examens mettent à l'épreuve une banque, en la confrontant à un scénario économique extrême bien que réaliste (des critères de croissance, taux de chômage, inflation, consommation, etc. sont ainsi cumulés), afin d'évaluer si l'établissement a des réserves en capital suffisantes pour absorber le choc. Les stress-tests sont aussi appliqués dans d'autres secteurs (assurances et énergie notamment) et sont fréquemment réalisés par des établissements en interne – les résultats sont alors rarement rendus publics.

En 2010, l'Union européenne avait décidé de tester 91 établissements bancaires européens et, principale innovation, de publier les résultats. L'objectif de cette opération de transparence était de rétablir la confiance dans le système bancaire, encore convalescent après la crise financière de 2008-2009. Sept établissements (cinq espagnol, un allemand et un grec) avaient échoué aux tests.

Le secteur bancaire irlandais est disproportionné par rapport à l'économie réelle et insuffisamment régulé.

Le secteur bancaire irlandais est disproportionné par rapport à l'économie réelle et insuffisamment régulé. AP/Peter Morrison

Mais l'opération avait été fortement critiquée : les tests étaient jugés trop laxistes (lire un entretien à ce sujet avec un économiste de l'OCDE) et n'avaient pas permis de déceler la fragilité des banques irlandaises, l'Anglo-Irish Bank et l'Allied Irish Bank, qui allaient s'effondrer quelques mois plus tard, soufflées par l'explosion d'une bulle immobilière. Ces tests n'avaient pas eu de conséquences politiques, tandis qu'aux Etats-Unis, des tests similaires avaient conduit en 2009 à la recapitalisation des établissements les plus fragiles. "Au lieu de renforcer leurs banques, les Etats ont préféré continuer à vivre sur la fiction d'un système bancaire suffisamment capitalisé pour affronter d'autres chocs, déplore l'économiste Nicolas Véron, du centre de recherche Bruegel. La crise irlandaise a montré que ce n'était pas le cas." L'opération avait donc été considérée unanimement comme un échec.

  • Pourquoi réaliser une deuxième vague de stress-tests ?

L'objectif est de répondre aux critiques adressées après la première série de tests. Cette fois, l'Autorité européenne bancaire l'assure, les critères de tests ont été révisés avec plus de sévérité. Il en va de la crédibilité de l'Union européenne, qui doit prouver aux marchés financiers le sérieux de ses scénarios de chocs économiques et de dépréciations sur les dettes souveraines de ses Etats membres.

L'UE s'attache par ailleurs depuis plusieurs jours à souligner que les banques qui échoueront aux tests bénéficieront d'une aide. Mardi, les ministres des finances européens ont indiqué dans un texte commun que "des mesures appropriées seraient prises pour remédier à la situation". Ces mesures incluront une participation du secteur bancaire lui-même mais aussi "un soutien des gouvernements" européens "en cas de besoin" et dans le respect des règles de concurrence en Europe, pour ne pas avantager certains établissement en difficulté.

Des économistes estiment enfin que des tests réguliers de la résistance des banques, en dépit de leurs défauts, ne peuvent qu'améliorer l'information sur la santé bancaire. Pour Olivier Pastré, professeur d'économie à l'université Paris-VIII, "plus il y aura de stress-tests, et plus ils seront transparents, plus l'Europe sera en situation de gérer d'éventuelles crises. Les cas irlandais et grec ont montré le caractère explosif du défaut d'information."

  • Concrètement, comment les banques sont-elles évaluées ?

Comme l'an passé, 91 établissements bancaires européens, représentant plus de 65 % des actifs bancaires de l'UE, sont passés au crible. Le pays le plus représenté sur la liste est de loin l'Espagne, avec 24 établissements bancaires, devant l'Allemagne (13). Quatre banques françaises sont retenues : BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et BPCE (Banque populaire Caisse d'épargne).

Pour réussir l'examen, les banques doivent prouver qu'elles disposent d'au moins 5 % de fonds propres "durs" (le "tier one", soit le noyau le plus solide des capitaux propres) pour affronter une récession économique de deux ans. Le scénario de crise – fictif – retenu est celui d'un PIB en recul de 0,4 % en 2011 dans l'UE et d'une croissance nulle en 2012.

Si l'EBA n'a pas retenu dans ses critères l'hypothèse d'un défaut de paiement de la Grèce (dont le risque n'est désormais plus écarté par les dirigeants européens), elle a demandé à chaque établissement testé d'indiquer son exposition au risque dit "souverain" (le risque naissant de la faillite d'un Etat, ou de la restructuration de sa dette). Chaque banque devra détailler les montants de dette publique de pays en difficulté qu'elle a accumulés dans ses portefeuilles. Libre à chacune ensuite de décider de rendre publiques ou non ces informations. A l'exception de quelques banques allemandes, la plupart se sont déjà exécutées. Ces renseignements doivent permettre aux investisseurs de se faire eux-mêmes une idée du risque souverain pesant sur les bilans des banques européennes.

  • Quels sont les établissements en difficulté ?

 Le secteur bancaire espagnol a besoin de 15 milliards d'euros pour s'assainir, a annoncé jeudi 10 mars 2011 la Banque d'Espagne.

Le secteur bancaire espagnol a besoin de 15 milliards d'euros pour s'assainir, a annoncé jeudi 10 mars 2011 la Banque d'Espagne.REUTERS/ANDREA COMAS

Des analystes et banquiers cités par le Financial Times estiment qu'une douzaine d'établissements pourraient rater les tests, principalement en Espagne, Allemagne et Grèce. L'agence de notation Moody's a indiqué de son côté que 26 banques testées présentaient un "risque" de ne pas réussir l'examen ou de se retrouver en position tangente. Selon des sources citées par El Pais, mercredi 13 juillet, trois banques espagnoles échoueraient aux tests.

Les banques françaises ne suscitent pas d'inquiétudes particulières mais les analystes étudieront avec attention l'état de leur exposition aux différentes dettes souveraines de la zone euro. Elles sont en effet, avec les banques allemandes, celles qui sont le plus exposées à la Grèce et à l'Italie avec respectivement 15 et 393 milliards de dollars d'engagements, d'après les données de la Banque des règlements internationaux.

Comme lors des précédentes séries de tests, les Européens ont également commencé à communiquer en ordre dispersé sur les bons résultats de leurs banques nationales. Il y a une semaine, le futur président de la BCE et actuel président de la Banque d'Italie, Mario Draghi, a défendu la bonne santé du secteur bancaire italien qui, a-t-il dit, passera les tests avec une marge significative. François Baroin, le ministre de l'économie français, a fait de même mercredi : les résultats révèleront que le système bancaire français est parmi les "plus solides au monde", a-t-il déclaré devant l'Assemblée nationale. Plusieurs sources allemandes ont par ailleurs souligné qu'aucune banque germanique ne devrait échouer aux tests même si plusieurs d'entre elles franchiront la barre des 5 % de justesse.

  • Que se passera-t-il pour les banques ayant échoué aux tests ?

Les pays de l'UE devraient annoncer dans la foulée de la publication des résultats qu'ils soutiendront les banques ayant échoué à ces tests dans le cas où elles ne pourraient pas lever des capitaux. Mais où les Etats trouveront-ils les fonds pour recapitaliser leurs banques ? La question n'est pas réglée.

Au-delà des banques qui auront échoué, les investisseurs surveilleront de près les établissements qui passeront les tests de justesse. Ces établissements seront placés sur une liste de surveillance particulière dans le cas où leur situation continuerait à se détériorer et elles auront jusqu'à fin 2012 pour relever la barre. "Ces banques-là vont recevoir une sorte de 'carton jaune' de la part du régulateur, soulignait à l'agence Reuters un analyste bancaire basé à Londres. Elles seront à un moment ou à un autre obligées de lever du capital."

Alors que la perspective d'un second plan d'aide à la Grèce s'enlise, les analystes doutent de la capacité des tests de résistance à restaurer à eux seuls la confiance sur l'état de santé des banques européennes. "Je ne suis pas sûr que cela va modifier profondément l'état d'esprit des investisseurs et des marchés", relève Pascal Decque, analyste financier chez CA Cheuvreux. "Pourquoi faire un stress-test abstrait alors qu'il y en a un vivant qui se passe actuellement sous nos yeux ?", ironise un autre analyste financier basé à Londres. Une chose est sûre : le marché ne manquera pas d'infliger aux banques des tests plus exigeants que ceux qu'elles viennent de passer.

Mathilde Gérard (avec Reuters)

Stress tests : 8 banques recalées

Après un long suspense, ce sont finalement 8 banques qui ont échoué aux tests de résistance sur les 90 établissements européens soumis cette année à l'épreuve. Elles auraient besoin de 2,5 milliards d'euros.

Source: Les Echos

Fin du suspense. L’autorité bancaire européenne a annoncé ce soir que 8 établissements bancaires sur 91 ont échoué aux tests de résistance. L'an dernier, 7 banques n'avaient pas réussi. Les banques ayant échoué devront présenter un plan de recapitalisation qui sera mis en œuvre avant la fin de 2012.

Parmi les huit recalées, se trouvent 5 banques espagnoles, 2 grecques et 1 autrichienne. Par ailleurs, 16 banques ont passé les tests de justesse, avec un ratio core tier 1 compris entre 5 % et 6 %.

Pour l'exercice 2011, l'EBA, présidée par Andrea Enria (photo), a pris en compte les opérations de renforcement du capital réalisées entre janvier et avril, poussant ainsi les banques à renforcer leurs fonds propres en amont des stress tests. A la fin de 2010, 20 banques étaient en situation d'échec aux tests de résistance, pour un montant de recapitalisation de 26,8 milliards d'euros. L'EBA indique ce soir que les banques ont levé en quatre mois 50 milliards d'euros.

5 % de ratio core tier one au minimum

Ces tests ont vocation à éprouver la capacité de résistance des banques à un scénario économique dégradé. Les 91 établissements testés, confrontés à deux scénarios macroéconomiques, l'un dit 'de base' et l'autre plus dur, devaient maintenir un ratio de core tier 1 _ le capital le plus pur, excluant donc le capital hybride_ supérieur à 5 %.


Les scénarios macroéconomiques retenus

Scénario de base Scénario pessimiste

2011201220112012
UE à 27



Croissance annuelle du PIB1,70 %2 %-0,40 %0 %
Taux de chômage9,50 %9,10 %10 %10,50 %
Zone euro



Croissance annuelle du PIB1,50 %1,80 %-0,50 %-0,20 %
Taux de chômage10 %9,60 %10,30 %10,80 %

Stress test : 8 banques échouent

Source : Le Figaro

Selon les annonces faites simultanément dans chaque pays par les banques ou les régulateurs, 5 banques espagnoles (dont 4 Caisses d'Epargne) et une banque allemande ont échoué. Deux banques ayant échoué manquent encore à l'appel, les régulateurs n'ayant pas encore tous communiqué.
L'EBA a précisé que seuls les résultats de 90 banques avaient été finalement pris en considération, sans autre explication.


Les établissements français confirment leur solidité

Source : Le Figaro

La Société générale apparaît comme la moins bien placée parmi ses compatriotes et c'est le Crédit agricole qui affiche la meilleure solvabiolité de ses pairs.

Les quatre grandes banques françaises soumises à l'examen européen l'ont passé sans difficulté. Alors que l'Autorité bancaire européenne avait fixé la barre à 5 %, la Société générale apparaît comme la moins bien placée parmi ses compatriotes, avec un ratio de fonds propres durs de 6,6 % fin 2012, après prise en compte d'une forte dégradation économique. La banque estime d'ailleurs avoir encore une marge d'amélioration de 0,9 %, non prise en compte par le superviseur européen. BPCE arrive ensuite avec un ratio de 6,8 %, puis BNP Paribas avec 7,9 % et enfin le Crédit agricole, qui affiche la meilleure solvabilité de ses pairs avec 8,5 %. Comme l'an dernier, le Crédit mutuel n'a pas été scruté.

Au total, les établissements dont les bilans ont été passés à la moulinette captent 80 % des actifs bancaires en France, contre 65 % pour l'exercice à l'échelle européenne. De son côté, le belgo-français Dexia a bien été testé et ressort avec un ratio de fonds propres durs de 10,4 % à l'issue de la simulation.

Des provisions massives

En agrégé, les quatre grandes banques françaises affichent aux termes de deux années théoriques de stress intenses un ratio de fonds propres durs de 7,5 %, en baisse de 0,9 point par rapport à la fin de 2010. Ce niveau reste, toutefois, très supérieur aux 5 % requis, mais en dessous de la moyenne européenne de 7,7 %. Il faut dire que 159 milliards d'euros de capitaux publics, soit 14 % des fonds propres des banques européennes, continuent à bénéficier aux acteurs bancaires en Allemagne, en Irlande ou en Grande-Bretagne. À l'inverse, toutes les banques françaises, BPCE étant la dernière en date, ont remboursé les avances que l'État leur avait consenties durant la crise.

Les bilans des banques françaises ont été soumis à des hypothèses économiques très dégradées : 0,6 % de croissance cumulée en France en 2011 et 2012, contre une prévision de 3,4 % dans le scénario de base ou encore un taux de chômage dérapant à 9,8 % en 2012, contre 9,2 %. Dans le même temps, une baisse des actions, des obligations, mais également un plongeon historique de 20 % du marché immobilier en France sont simulés.

Ces chocs provoquent trois types de désagrément aux banques, à la fois au numérateur et au dénominateur du ratio de fonds propres durs.

Premier impact et le plus massif, ce scénario entraîne une montée de l'insolvabilité des ménages et des entreprises. Selon l'Autorité de contrôle prudentiel, les quatre mousquetaires bancaires auraient à acquitter dans un tel cadre un coût du risque (provisions et pertes) de 50,7 milliards d'euros en deux ans sur leurs portefeuilles de crédits. En 2010, dans la réalité donc, ce chiffre était de 16,8 milliards d'euros.

Deuxième conséquence : les banques enregistreraient bien sûr des pertes sur leurs activités de marchés, à hauteur de 12,3 milliards d'euros (dont 1,5 milliard sur leurs portefeuilles de titres souverains). Autant d'éléments qui diminuent leurs profits des banques françaises, et donc le montant de leur fonds propres.

Le troisième impact, lui, concerne le dénominateur. Compte tenu de la montée des risques, les actifs pondérés augmentent de 17 %. Pour les besoins du test, en effet, il a été considéré que les banques ne ­réduisaient pas leurs engagements pour s'adapter au nouvel environnement. Du coup, elles se prennent de plein fouet l'affaiblissement de leurs contreparties.

Isabelle Chaperon

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