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mercredi 20 juillet 2011

Lagardère plombé par sa DSKmania


Source : Charlis Hebdo

Le groupe de presse et d’armement pourrait subir des dégâts collatéraux de l’affaire Strauss-Kahn. Il faut dire que le patron du FMI y avait tant d’amis que l’Élysée râlait de plus en plus fort. Le «frère» d’Arnaud Lagardère était censé s’appeler Sarkozy, non?

Petit recap de Lagardère

Chez Lagardère, on a toujours déroulé le tapis rouge pour les politiques. Soucieux de se mettre le pouvoir dans la poche, qu’il soit de droite ou de gauche, le groupe a su recruter là où il fallait. Histoire de ne faire de peine à personne, d’anciennes ministres, Anne-Marie Couderc (du bon vieux RPR) ou Frédérique Bredin (PS, fabiusienne), avaient en leur temps rejoint le groupe, gros salaires et bagnoles de fonction à la clé. Un ancien député RPR, Alain Chastagnol, avait quant à lui été casé dans un poste à faible activité quotidienne.
Dominique Strauss-Kahn, lui, a toujours eu droit à un traitement de faveur. Il faut dire qu’il y a de quoi. C’est lui qui est l’auteur, du temps de Jospin, d’un incroyable cadeau fait à Lagardère: le gouvernement a attribué à ce dernier, au moment de la constitution d’EADS, dont il est actionnaire, le pouvoir opérationnel au sein du consortium européen de défense, en lieu et place de l’État, alors que l’apport du groupe était bien moindre que celui de la puissance publique. Un pacte d’actionnaires cousu main sous l’œil matois et avec la bénédiction de DSK.
Résultat, l’ancien ministre a son rond de serviette dans le groupe d’armement (missiles, avions militaires, satellites…) et de presse (Europe 1, Paris Match, JDD et d’autres) dont Arnaud Lagardère a repris les rênes en 2003. À chaque crise familiale, ça donne de belles pages dans Match, main dans la main avec Anne Sinclair. On l’a vu quand a éclaté en 2008 la polémique sur la relation extraconjugale de DSK avec une de ses subordonnées du FMI. On va probablement le revoir avec les soupçons de viol qui ont expédié Strauss-Kahn en résidence surveillée…
Tout ça était de bonne guerre et ne nuisait pas aux excellentes relations de Lagardère et de Sarko. Le papa était plutôt chiraquien, mais le fiston n’avait pas hésité à proclamer que son «frère» avait pour nom Sarkozy. Pourtant, ces derniers temps, Arnaud Lagardère semble avoir nettement pris, à quelques mois de la présidentielle de 2012, le parti de DSK. Au risque de mécontenter l’Élysée. Tout a commencé par le recrutement de Ramzi Khiroun, principal communicant du directeur général du FMI. En octobre 2009, «Ramzi», salarié d’Euro RSCG, l’agence qui a — ô hasard — remporté le marché de la com’ du FMI, est nommé au comité exécutif de Lagardère, rejoignant la garde rapprochée historique, les Lagardère boys. Tout en continuant à œuvrer pour Strauss-Kahn, futur candidat à la présidentielle, cet homme d’influence et de «coups» s’occupe de la communication de Lagardère. Notamment au moment de l’affaire de délit d’initié qui toucha le groupe. Pour cela, et alors que personne ne s’étonne de ce mélange des genres, il est royalement payé, selon le document de référence du groupe pour 2010. Le comité exécutif a touché dans son ensemble, cette année-là, près de 11 millions d’euros de rémunérations brutes, incluant les avantages en nature. Une fois soustraite la rémunération (dont le détail est connu) accordée à Lagardère et à quatre autres dirigeants, on apprend que Khiroun et un autre cadre parti en juin se sont partagés 1,2 million d’euros. Ça donne un ordre de grandeur… Et les avantages en nature de Ramzi sont désormais célèbres : il lui a été alloué une Porsche dont toute la France connaît aujourd’hui l’existence…

Un livre reporté

D’autres recrutements chez Lagardère n’ont pas manqué d’énerver Sarko. Denis Olivennes, par exemple. Après un court passage au Nouvel Obs, ce patron, qui n’a rien d’un journaliste, chapeaute Europe 1 et les autres magazines du groupe. Une force de frappe médiatique hors du commun. Comme l’a relevé un site spécialisé dans les médias, Electron libre, Olivennes «n’a jamais caché ses sympathies pour Dominique Strauss-Kahn, dont il faisait son favori». Il y a eu aussi l’arrivée au JDD, sous la houlette de Ramzi Khiroun, de l’éditorialiste Claude Askolovitch, notoirement proche de DSK. Déjà co-auteur du livre d’Éric Besson, Askolovitch a mis un livre sur Strauss-Kahn en chantier, devant paraître le 1er juin prochain chez Grasset, une des maisons d’édition du groupe… Lagardère, justement. Le projet éditorial a visiblement été repoussé.
Pour finir, l’arrivée à Europe 1 d’Arlette Chabot, l’ancienne directrice de l’information de France Télévisions, que Sarko n’aime pas, a convaincu ce dernier que Lagardère roulait contre lui. Dans le monde binaire de Sarkozy, ceux qui ne sont pas ses amis sont obligatoirement ses ennemis. Alors que se prépare déjà la campagne présidentielle, certains vont avoir du souci à se faire.
Laurent Léger
laurent.leger@charliehebdo.fr

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