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mercredi 20 juillet 2011

Médecins : la prime à la performance irait jusqu'à 8.400 euros


Source : Les Echos

Les négociations se poursuivent cet après-midi au siège de l'assurance-maladie mais un accord semble sur le point d'être trouvé sur le montant de la prime à la performance pour les médecins de ville.

Les médecins de ville pourront toucher une prime allant jusqu'à 8.400 euros par an s'ils atteignent des objectifs de santé publique, de prévention ou encore de limitation de prescriptions de médicaments qui leur sont fixés. C'est ce que propose l'assurance-maladie dans un projet d'accord qui vient d'être soumis aux syndicats de praticiens libéraux. Ce montant s'entend pour un médecin comptant 800 patients (c'est la moyenne). S'il remplissait à 100% la totalité des objectifs définis dans l'accord, il toucherait ainsi 10,50 euros par patient, soit un « bonus » de 8.400 euros. L'accord n'est pas encore finalisé, la négociation se poursuivant au siège de l'assurance-maladie cet après-midi.

VINCENT COLLEN



La rémunération des médecins à la performance proposée par l'assurance-maladie est-elle un vrai tournant ?

Oui. Si l'accord entre en vigueur, ce sera une vraie révolution dans une profession où le paiement à l'acte domine depuis toujours. Avec ce système, les médecins devront rendre des comptes sur leurs pratiques. C'est déjà le cas en théorie : la Sécurité sociale contrôle les praticiens. Mais les pratiques sont tellement hétérogènes que, dans les faits, les médecins-conseils des caisses d'assurance-maladie ne peuvent pas modifier en profondeur les comportements. Le paiement à la performance est une approche pragmatique qui doit permettre d'améliorer la prévention, le suivi de pathologies chroniques, et aussi de réduire les prescriptions onéreuses ou inutiles.

Est-ce que cela permettra de faire des économies ?

En théorie, oui. Sur le court terme, si les médecins prescrivent plus de médicaments dont il existe une version générique, c'est une économie pour la Sécurité sociale. Sur le moyen et long terme, l'assurance-maladie pourrait aussi faire des économies grâce à une détection plus précoce des pathologies graves, comme le cancer, ou un meilleur suivi des maladies chroniques, comme le diabète. Même si, dans un premier temps, une meilleure prise en charge peut signifier plus d'examens, et donc alourdir la facture. En pratique, cela dépendra totalement du comportement des médecins. Chaque praticien fera des arbitrages en fonction de ses revenus et de sa patientèle. Aura-t-il intérêt à développer la part de sa rémunération à la performance, quitte à faire des consultations plus longues, et donc à facturer moins d'actes ? Ou bien sera-t-il plus rémunérateur pour lui de ne pas modifier son comportement ? A ce stade, c'est très difficile à prévoir.

Quels sont les effets pervers à éviter ?

Au Royaume-Uni, où le paiement à la performance a été introduit il y a quelques années, les généralistes sont très vite arrivés au résultat maximum, car les objectifs n'étaient pas assez ambitieux. Il faudra revoir régulièrement les cibles à atteindre. L'autre risque, c'est que les professionnels de santé adoptent des pratiques trop conformistes, alors que l'état de santé de certains patients exigerait qu'on fasse plus, ou moins, que ce qui est prévu dans l'accord pour obtenir le maximum de points.

La CNAM et les syndicats sont sur le point de signer une convention qui régira leurs relations pendant cinq ans. Le texte, qui fait l'objet d'une dernière séance de négociation, prévoit une rémunération à la performance à côté du paiement à l'acte, qui représentera environ 10 % du revenu.


Pour les patients, le changement sera presque invisible. Pour les médecins libéraux, ce sera une petite révolution. Si l'accord négocié entre l'assurance-maladie et les syndicats de praticiens entre en vigueur, les médecins pourront bénéficier d'une rémunération supplémentaire, versée par la Sécurité sociale, lorsqu'ils remplissent certains objectifs de santé publique, de réduction des prescriptions ou encore d'informatisation de leur cabinet. Fondement de la médecine libérale française, le paiement à l'acte restera dominant. « Mais c'est un grand pas dans une nouvelle direction », juge l'économiste Gérard de Pouvourville (lire ci-dessous).

Les syndicats ont rendez-vous aujourd'hui à la CNAM pour une dernière séance de négociation. Les trois premiers - la CSMF, son allié le SML et MG (généralistes) -ont laissé entendre qu'ils étaient prêts à signer, mais tout dépendra des modalités financières. Le principe du paiement à la performance n'est pas totalement nouveau. Depuis 2009, 16.000 généralistes ont signé un « contrat d'amélioration des pratiques individuelles » (Capi), qui prévoit une prime pouvant aller jusqu'à 7 euros par patient. Les deux tiers des signataires touchent, en moyenne, un « bonus » annuel d'environ 3.000 euros. « Ce qu'on nous propose aujourd'hui est beaucoup plus complet que le Capi, et c'est aussi ouvert aux spécialistes », se félicite Michel Chassang, président de la CSMF.

Une trentaine d'indicateurs

Le texte prévoit une trentaine d'indicateurs. Aucun d'entre eux n'est obligatoire. Chaque indicateur atteint permet d'acquérir des points. Ils concernent d'abord l'organisation du cabinet. La tenue du dossier médical informatisé donne par exemple droit à 50 points. Une deuxième batterie de critères vise à améliorer le suivi des maladies chroniques. Un médecin dont au moins 80 % des patients diabétiques ont une glycémie inférieure à un certain seuil obtiendra 25 points. Troisième catégorie, la santé publique. Si les trois quarts de ses patients de plus de 65 ans sont vaccinés contre la grippe, le praticien gagne 20 points. Une dernière série d'objectifs vise à réduire les dépenses de médicaments. Prescrire au moins 70 % d'anticholestérols pour lesquels il existe un générique moins cher permet d'obtenir 60 points, etc.

Combien rapportera chaque point ? C'était la grande inconnue jusqu'à présent, ce qui explique que les syndicats soient restés circonspects. Le directeur de l'assurance-maladie, Frédéric Van Roekeghem, mettra fin au suspense aujourd'hui. L'incitation financière devrait être améliorée de moitié par rapport à celle du Capi, ce qui donnerait une prime maximale légèrement supérieure à 10 euros par patient. Soit 10 % environ du revenu d'un généraliste. Il n'est pas certain que les syndicats s'en contentent. « Ce ne serait pas un progrès par rapport au Capi, car l'effort demandé aux médecins est plus important », estime Claude Leicher, président de MG.

Rigueur budgétaire oblige, aucune dépense ne sera engagée avant 2013, car les primes seront calculées à partir des objectifs atteints en 2012. L'an prochain, seules quelques revalorisations sont prévues pour certains actes des psychiatres ou des pédiatres, dont les revenus sont très inférieurs à la moyenne. La CNAM est aussi prête à mieux rémunérer les visites à domicile pour les patients atteints de troubles neurologiques. « Ce ne sont que des miettes », critique Michel Chassang.

La séance d'aujourd'hui sera décisive. Si elle est signée, la nouvelle convention entrera en vigueur pour cinq ans. Un acte très important, pour la CNAM comme pour les médecins, car le nouveau gouvernement issu des urnes en 2012 devra en tenir compte.

V. C.

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