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mercredi 20 juillet 2011

L'état premier pollueur français avec la SNPE


Présentation :

Le Groupe SNPE (à l’origine Société nationale des poudres et des explosifs) est une entreprise française spécialisée dans la fabrication d'explosifs et de propergols solides pour la propulsion d'engins balistiques, à destination militaire et civile (aérospatial). Elle est à statut privé mais est encore détenue à plus de 99% par l'État français. Elle est également un des tout premiers producteurs de charges actives pour coussin gonflable de sécurité (« airbag »), et est ainsi présente dans la plupart des modèles européens d'automobiles.

La SNPE a été créée le 8 mars 1971 pour succéder au Service des poudres de l'Armée et elle est à ce titre l'héritière d'un monopole des poudres institué par l'État en 1336 et administré directement depuis l'institution de la Régie spéciale des Poudres et Salpêtres en 1775 sous Louis XVI.

Dans les années 2000, le groupe SNPE emploie aux alentours de 5 000 personnes (chiffres en baisse constante : 5 773 en 2002, 4 719 en 2005) et a un chiffre d'affaires aux alentours de 800 millions d'euros.

En 2007, les activités du groupe étaient filialisés dans quatre pôles :

  • Matériaux énergétiques (Eurenco pour les poudres et explosifs, SME pour la propulsion, Roxel pour la propulsion tactique)
  • Explosifs civils (Nobel Explosif France ou NEF)
  • Chimie fine (Isochem)
  • Spécialités chimiques (Bergerac NitroCellulose ou BNC, Durlin)

Principaux sites: Saint-Médard-en-Jalles, Vert-le-Petit, Bergerac, Sorgues, Toulouse, Angoulême, Pithiviers, Pont-de-Claix et Gennevilliers.

Fin 2007, Nobel Explosif est racheté par un fond d’investissement de la Banque Lazard. En février 2010, la filiale Isochem est vendue aux fonds Aurélius. En juin Durlin est cédée, suivie par Bergerac NC en septembre. SME (et sa filiale Roxel) est racheté par Safran en mars 2011, et devrait être fusionnée avec Snecma Propulsion Solide. Seule Eurenco appartient encore au groupe.



Ce mercredi 20 juillet, lors d'un point presse, la CUB a confirmé une pollution de l'eau potable au perchlorate d'ammonium sur neuf communes, ce qui représente 94 000 habitants. Des taux importants de perchlorate d'ammonium ont été découverts fin juin. Cela a entraîné l'arrêt du quart des sites de captage d'eau alimentant l'agglomération bordelaise. L'information avait été dévoilée mardi, suite aux révélations faites par le groupe écologiste EELV de la CUB. Jeudi, la France va fixer des normes de toxicité relatives à ce produit. Une première en Europe.

L'information est connue depuis plusieurs jours des autorités. Une réunion d'urgence en préfecture de Gironde a eu lieu le 1er juillet. Aussitôt, des mesures de confinement des cinq sites de captage concernés, soit 25% de l'ensemble du réseau, ont été opérées. Pour autant, la Lyonnaise des eaux, délégataire du service de l'eau pour la CUB, se veut rassurante. Le maximum relevé dans l'eau distribuée avant l'arrêt des sources polluées a été inférieur au seuil de toxicité que devrait annoncer demain le ministère de la Santé. On peut toutefois se demander sur quelles bases ce seuil est fixé, dans la mesure où l'on détecte pour la première fois ce produit dans l'eau potable.

La France sera le premier pays européen à fixer une norme sur le perchlorate d'ammonium
En effet, il n'a jamais jusqu'ici été recherché dans les prélèvements effectués par les autorités sanitaires. Comment alors a-t-il été détecté ? En réalité, c'est un concours de circonstances. Dans le cadre du rachat, début avril, de SNPE matériaux énergétiques (SME) par le groupe d'aéronautique et de défense Safran, des recherches spécifiques ont été effectuées et des taux pouvant aller jusqu'à 30 mg/l ont été relevés au niveau des sources polluées. C'est un produit utilisé pour la propulsion de missiles. Prenant la mesure du problème, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s'apprête à recommander un seuil de toxicité de 15 microgrammes par litre d'eau pour les adultes et de 4 microgrammes par litre pour les nourrissons. Dans son avis, qu'elle vient de rendre public, l'Anses indique que les perchlorates ne sont ni cancérigènes, ni mutagènes. Cependant, "même si aucune étude épidémiologique n'apporte de preuve concernant les effets des perchlorates sur la fonction thyroïdienne, des études expérimentales suggèrent qu'ils peuvent induire un déficit en hormones thyroïdiennes", indique-t-elle. Pour mémoire, une pollution identique avait été relevée fin janvier dans les eaux de la Garonne, à Toulouse, où une autre usine du même groupe en fabrique. La préfecture de Haute-Garonne avait alors pris un arrêté de mise en demeure afin de réduire les rejets dans le fleuve. En attendant, à Bordeaux, des pompages plus importants vont être effectués dans d'autres zones et des projets de forages au Nord-Ouest ont été envisagés. "Il faudra près d'un an et demi pour que cette pollution se résorbe naturellement car seule la dilution est aujourd'hui connue comme efficace", prévient Antoine Bousseau, directeur régional d'Aquitaine de la Lyonnaise des eaux. De son côté, la Communauté urbaine de Bordeaux dit se réserver la possibilité d'engager des poursuites judiciaires, selon le principe du pollueur-payeur, "afin que le contribuable ne soit pas pénalisé", a indiqué Jean-Pierre Turon, le vice-président de la CUB en charge de l'eau et de l'assainissement. Demain, la préfecture de Gironde communiquera à son tour sur ce dossier sensible.

Les nuages toxiques de l’industrie des missiles
LA COMBUSTION DES PROPERGOLS GÉNÈRE DE L’ACIDE CHLORHYDRIQUE

Régulièrement, les habitants de Saint Médard en Jalles sont incommodés par des "nuages" agressifs venant du brûlage de propergols par les établissements du CAEPE et de SME.

Essai de moteur à propergol solide - 12.9 ko
Essai de moteur à propergol solide
Les tests des moteurs des missiles nucléaires français se font en plein air, sur les communes de Saint Médard en Jalles et de Saint Jean d’Illac. (Photo : NASA)

Quand les industriels du missile se sont installés autour de la "Poudrerie" (SNPE), dans les années soixante, le pays des Jalles était peu peuplé.

Aujourd’hui, ces établissements industriels sont entourés de quartiers résidentiels mais ne semblent pas en tenir compte.

Et à chaque fois qu’un essai de moteur (SME, CAEPE) ou un brûlage de résidus de propergols (SME) a lieu, et en fonction des conditions météorologique, la population environnante se trouve agressée par des "nuages" contenant - pour ce que nous en savons - de l’acide chlorhydrique.

Le dernier cas a eu lieu mardi 16 janvier 2007 : des élèves de l’école primaire d’Hastignan ont vu "du sable tomber du ciel", et ont été saisis de démangeaisons...

Nous avons appris depuis qu’il s’agissait de l’essai d’un moteur de deuxième étage du missile nucléaire M-51...

Nous avons envoyé par messagerie électronique un courrier à l’attention de la Direction du CAEPE pour obtenir des précisions sur la nature des produits émis par ces essais et sur les procédures qui pourraient être mises en œuvre pour éviter de futures pollutions de l’air et des sols et les agressions sur les individus.

Car c’est bien l’un des paradoxes de cette "arme de dissuasion" : les principales victimes des missiles nucléaires sont les salariés qui les fabriquent, les militaires qui les manipulent et les populations environnantes !

La réponse du CAEPE

C’est par un courrier municipal qu’un certain nombre de personnes (dirigeantEs d’établissements scolaires, représentantEs de parents d’élèves, membres du conseil de quartier...) ont été invitées le 10 mai 2007 à rencontrer le directeur du CAEPE.

Voilà ce qu’il en ressort :

- Il n’y aura plus de tirs de gros moteurs (> 2 tonnes de propergol) au CAEPE de Saint Médard : ils auront lieu à St Jean d’Illac.
- Pas possible de mettre en place un système d’alerte avant un tir : d’après eux ça provoquerait surtout de la panique dans la population...
- Le système de communication avec les établissements (en particulier collège Hastignan) sera amélioré.

De toute façon, la direction du CAEPE est formelle : les taux d’acide chlorhydrique dans les "nuages" sont bien inférieurs à ce qui est... autorisé par la loi !

Nous voilà rassurés !


Snpe : l’enjeu de la dépollution

par Ana Lutzky

Poudriers depuis Colbert, certains sites de la Snpe ne seront pas démantelés sans sacrifices : dès lors qu'il seront mis à l'arrêt, leurs sols et leurs locaux devront être décontaminés, pour ancienne que soit la pollution. Qui paiera quoi?

L'accélération de la consolidation du secteur de la propulsion solide en France pose une épineuse question. Celle de la dépollution des sites qui seront arrêtés. En cas de cessation d’activité de sites de la très ancienne Société nationale des poudres et explosifs (Snpe), l’Etat doit prendre en charge la dépollution des contaminations causées avant 1971, date de la création de la société publique. La Snpe doit ensuite prendre en charge la dépollution pour les activités menées à partir de sa création. Et ce jusqu’en 2009 pour son entité matériaux énergétiques (SME), date probable de sa vente au groupe Safran. Reste que si dans trois ou quatre ans la Snpe venait à disparaître, vendue « à la découpe », Safran devrait se retourner vers l’Etat pour les frais de dépollution de sites arrêtés dont il a hérité. Or Bercy est déjà échaudé par l’expérience d’Angoulême.

Le gouffre financier d’Angoulême

La loi de finances rectificative avait prévu que l’Etat prenne en charge les futurs travaux de dépollution sur les sites délaissés par la Snpe, sans aucun plafond de dépenses. Mais le Conseil constitutionnel, effrayé par le grouffre financier, a invalidé cette disposition pour exiger un plafonnement. C’est que le précédent d’Angoulême, un véritable puits sans fond, l'a découragé. Depuis la fermeture en 2004 du site charentais de la Snpe, les sols infestés de nitrocellulose des 177 hectares mis sous cloche (l'équivalent de 10 % de la surface d'Angoulême) sont brulés dans un four dédié. Le four fonctionne jour et nuit. C’est la seule technique dont dispose aujourd'hui l'entreprise pour en enlever la nitrocellulose. Le fameux four devra encore fonctionner… 15 ans pour en venir à bout. De quoi débourser entre 150 et 300 millions d’euros pour l’Etat, selon l’usage que la communauté de communes prévoira pour le terrain qu’elle rachète. L'hypothèse haute budgétée correspond à un usage sensible (logement, crèche etc.) : les solvants devront par exemple être parfaitement nettoyés pour ne pas risquer d'intoxiquer des enfants, tandis que l'hypothèse basse correspond à un usage industriel : la dépollution y serait moins contraignante. Hormis le four, qui fonctionne sans relâche, le terrain doit également être mouillé en permanence sous peine de risques pyrotechniques.
Forcément, un impact sur le repreneur Safran

Ce précédent a-t-il une influence sur les négociations entre Safran et le fabricant public de propergols? Certainement. Le scenario suivant semble se confirmer : Safran s’engagerait dès lors à prendre en charge toute dépollution future des sites rachetés… moyennant « ristourne » sur le prix de vente. La ristourne faisant office de compensation des futurs frais de dépollution. Pour évaluer ces frais, une vaste opération de carottages des sols a eu lieu au mois de juin afin de dater, jauger le degré de pollution sur les sites de SME. Entre le site de Saint-Médard-en-Jalles dans le Sud-ouest (450 hectares), celui de Toulouse (50 hectares), et le centre de recherche du Bouchet (CRB) en région parisienne (50 hectares), le coût de la dépollution se situerait entre 100 et 200 millions d’euros en frais actualisés. De quoi déduire de moitié le montant de la transaction ! En effet, la valeur du périmètre de Sme, filiales comprises, se situe aujourd’hui autour de 400 millions d’euros.

Au milieu, une justice sociétale à trouver

Reste à prendre en compte tous les facteurs pesant sur la négociation. D’une part, la réflexion sur une éventuelle dépollution de site est plus urgente pour certaines branches du groupe, à l'avenir compromis, que pour d’autres. Ne serait-ce que pour le périmètre concerné par la reprise de Safran, l’activité liée à la dissuasion nucléaire, basée à Saint-Médard-en-Jalles, a peu de chances de s’arrêter un jour. A Toulouse, par contre, l'activité principale de fabrication du perchlorate pourrait faire les frais d’une rationalisation européenne. Au moins, la dépollution lourde suite à la fermeture en 2001 de l’activité phosgène y est presque soldée : elle devrait être bouclée dans un an ou deux, pour un coût de 50 millions d’euros. Quant au CRB, son maintien en région parisienne n’est pas non plus assuré sous le règne Safran. En cas de cession du site, les sous-sols parsemés de vieilles munitions datant de 1945 et contaminés par le CEA du temps des recherches in situ sur l’armement nucléaire risquent de constituer un petit casse-tête.

D’autre part, la répartition de la responsabilité de la dépollution pose des questions de fond. L’Etat doit-il « brader » la partie la plus stratégique de la SNPE, et déduire des frais de dépollution au profit de Safran, groupe financièrement solide, tout en acceptant de récupérer les branches les plus déficitaires du groupe, ainsi que leur dépollution ? Safran n'a-t-il pas également à assumer ce coût ? La question des substances laissées en héritage se pose en effet pour tous les sites, à charge pour le PDG de la maison-mère de démêler le partage des coûts et les tractations avec chacun des repreneurs potentiels.

L'appel du bio

A Sorgues, les pesticides fabriqués par Snpe ont fortement pollué de la nappe phréatique, qui a dû être confinée sous l’établissement, puis pompée en permanence. «On était les vrais shadoks », commente un cadre. Utilisée pour refroidir les installations, l’eau polluée est rejetée in fine dans le Rhône, qui a un très grand pouvoir de dilution : 3000 mètres cubes d’eau par seconde en hiver.

Sur la plateforme chimique de Pont de Claix, la pollution causée par la filiale Isochem est surtout liée aux activités passées. «Le coût d’une dépollution dépend aussi des techniques et du temps dont on dispose», explique Jean-Marcel Dupont, directeur des affaires industrielles de la Snpe. Ce dernier est favorable à des méthodes plus lentes mais moins coûteuses du point de vue financier et environnemental. Un message qu'il n'est pas toujours aisé de faire entendre à des repreneurs plus court-termistes. Il cite en exemple le procédé biologique actuellement utilisé pour traiter le missile balistique ancienne génération, le M45. Si l'utilisation de méthodes biologiques n'est pas toujours possible selon le composant ayant impregné le sol, les techniques naturelles sont de plus en plus prisées.

Dépolluer avec des plantes et des bactéries plutôt qu’excaver la terre souillée, la brûler et remplacer par de la terre saine que l'on irait chercher un peu plus loin. Tenter de partager les coûts sans trop charger la barque du contribuable. Voilà qui s’avère plus long, mais… plus durable.

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